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Le football entre « disparition » médiatique et intérêt économique

Publié par
Jet d'Encre

Par Grégory Quin & Philippe Vonnard, publié le 10 mai 2020

Où est passé le football durant la pandémie de coronavirus ? Dans ce texte, les historiens du sport Grégory Quin et Philippe Vonnard soulignent sa disparition des écrans et les angoisses d’une partie de ses acteurs qui craignent pour leur modèle économique. L’occasion, selon les auteurs, de repenser le traitement médiatique autour du foot.

La pandémie de coronavirus n’en finit plus de se diffuser à travers le monde et bouscule toutes nos habitudes, jusqu’au plus banal championnat domestique de football. Alors qu’en Suisse nous reprenons lentement le chemin de la « normalité », la crise nous invite à nous interroger sur le monde dans lequel nous vivons, un monde que l’on ne voit pas toutes et tous de la même manière.

Le domaine du football professionnel n’échappe pas à ces interrogations. Bien au contraire, comme partie prenante de notre modernité, comme pilier de nos sociétés contemporaines, il semble lui aussi tourmenté par les mêmes crispations schizophrènes entre le « Mais oui, tout va changer ! » et le « Vivement que l’on revienne à la normale ! », avec en coulisses des inquiétudes, des sentiments ambivalents, de l’incertitude.

Quand plusieurs dirigeants du football européen tentent de trouver des solutions pour terminer les championnats à tout prix, mettant au passage aux défis les normes sanitaires prises par les États – lesquels ne semblant pas très assurés de leurs décisions –, de nombreuses sportives et sportifs renoncent à leur salaire, essaient de faire des collectes en faveur d’hôpitaux ou d’associations caritatives, quand ils ne font pas du « divertissement » sur les réseaux sociaux.

Mais collectivement l’image demeure contrastée… Deux constats s’imposent à ce stade :

– D’une part, le domaine sportif est complexe et concerne une multitude d’acteurs ce qui peut expliquer ces comportements divergents. Cette situation entraîne même des situations ubuesques où des joueurs d’un grand club acceptent de diminuer leurs salaires de 12,5%, avec la garantie (quand même) que ces montants seront reversés l’an prochain si les résultats sportifs sont bons… Dans certains cas, la générosité semble toute relative !

– D’autre part, ses actrices et acteurs continuent à s’entraîner malgré la pandémie et le manque de compétition, parfois sous la pression des employeurs d’ailleurs qui, pour le coup, paraissent souvent peu scrupuleux vis-à-vis de la santé des athlètes. En effet, l’idée que les sportifs et sportives sont aussi des êtres humains ne semble jusqu’ici pas véritablement prise en compte lorsque l’on évoque l’idée de faire jouer dix matchs de championnats en plein été (avec une préparation plus que réduite) ou de confiner les athlètes durant un, voire deux mois dans des hôtels où ils seraient littéralement coupés de contacts sociaux (et donc potentiellement de leur famille et de leurs amis) !

Aux abonnés absents depuis plusieurs semaines, les compétitions de football continuent bien de vivre dans les esprits et les projets des uns et des autres, alors que la Bundesliga va repartir à la mi-mai, mais qu’en France on discute désormais de la date de la reprise des entraînements pour la saison prochaine (et éventuellement les compétitions européennes de la saison « en cours »). En résumé, certaines associations nationales et ligues s’alignent sur les positions de l’UEFA (à savoir finir la saison), alors que d’autres semblent plus réservées sur cet aspect, voire sont contraintes par leurs pouvoirs publics de renoncer à terminer la saison. De fait, le football peine à se décider entre angoisses sur l’avenir d’un modèle financier et disparition des compétitions des écrans. Au point que l’on se demande si les gesticulations de certains ne sont pas des tentatives désespérées pour capter l’attention, alors que les enjeux semblent croître chaque jour davantage.

Cette absence des compétitions a un impact important en matière de traitement médiatique du football, chaque semaine plusieurs heures d’émissions étant consacrées au ballon rond.
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Par Grégory Quin & Philippe Vonnard, publié le 10 mai 2020

Où est passé le football durant la pandémie de coronavirus ? Dans ce texte, les historiens du sport Grégory Quin et Philippe Vonnard soulignent sa disparition des écrans et les angoisses d’une partie de ses acteurs qui craignent pour leur modèle économique. L’occasion, selon les auteurs, de repenser le traitement médiatique autour du foot.

La pandémie de coronavirus n’en finit plus de se diffuser à travers le monde et bouscule toutes nos habitudes, jusqu’au plus banal championnat domestique de football. Alors qu’en Suisse nous reprenons lentement le chemin de la « normalité », la crise nous invite à nous interroger sur le monde dans lequel nous vivons, un monde que l’on ne voit pas toutes et tous de la même manière.

Le domaine du football professionnel n’échappe pas à ces interrogations. Bien au contraire, comme partie prenante de notre modernité, comme pilier de nos sociétés contemporaines, il semble lui aussi tourmenté par les mêmes crispations schizophrènes entre le « Mais oui, tout va changer ! » et le « Vivement que l’on revienne à la normale ! », avec en coulisses des inquiétudes, des sentiments ambivalents, de l’incertitude.

Quand plusieurs dirigeants du football européen tentent de trouver des solutions pour terminer les championnats à tout prix, mettant au passage aux défis les normes sanitaires prises par les États – lesquels ne semblant pas très assurés de leurs décisions –, de nombreuses sportives et sportifs renoncent à leur salaire, essaient de faire des collectes en faveur d’hôpitaux ou d’associations caritatives, quand ils ne font pas du « divertissement » sur les réseaux sociaux.

Mais collectivement l’image demeure contrastée… Deux constats s’imposent à ce stade :

– D’une part, le domaine sportif est complexe et concerne une multitude d’acteurs ce qui peut expliquer ces comportements divergents. Cette situation entraîne même des situations ubuesques où des joueurs d’un grand club acceptent de diminuer leurs salaires de 12,5%, avec la garantie (quand même) que ces montants seront reversés l’an prochain si les résultats sportifs sont bons… Dans certains cas, la générosité semble toute relative !

– D’autre part, ses actrices et acteurs continuent à s’entraîner malgré la pandémie et le manque de compétition, parfois sous la pression des employeurs d’ailleurs qui, pour le coup, paraissent souvent peu scrupuleux vis-à-vis de la santé des athlètes. En effet, l’idée que les sportifs et sportives sont aussi des êtres humains ne semble jusqu’ici pas véritablement prise en compte lorsque l’on évoque l’idée de faire jouer dix matchs de championnats en plein été (avec une préparation plus que réduite) ou de confiner les athlètes durant un, voire deux mois dans des hôtels où ils seraient littéralement coupés de contacts sociaux (et donc potentiellement de leur famille et de leurs amis) !

Aux abonnés absents depuis plusieurs semaines, les compétitions de football continuent bien de vivre dans les esprits et les projets des uns et des autres, alors que la Bundesliga va repartir à la mi-mai, mais qu’en France on discute désormais de la date de la reprise des entraînements pour la saison prochaine (et éventuellement les compétitions européennes de la saison « en cours »). En résumé, certaines associations nationales et ligues s’alignent sur les positions de l’UEFA (à savoir finir la saison), alors que d’autres semblent plus réservées sur cet aspect, voire sont contraintes par leurs pouvoirs publics de renoncer à terminer la saison. De fait, le football peine à se décider entre angoisses sur l’avenir d’un modèle financier et disparition des compétitions des écrans. Au point que l’on se demande si les gesticulations de certains ne sont pas des tentatives désespérées pour capter l’attention, alors que les enjeux semblent croître chaque jour davantage.

Cette absence des compétitions a un impact important en matière de traitement médiatique du football, chaque semaine plusieurs heures d’émissions étant consacrées au ballon rond.
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