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Marie van Berchem, artiste engagée

Publié par
EPIC-Magazine

Par Julie Marti, publié le 28 septembre 2020
Voir l’article source sur EPIC

Marie van Berchem fait partie de ces artistes touche-à-tout, aux projets inédits à Genève. Entre son travail d’artiste, de curatrice, d’illustratrice, de performeuse et ses multiples projets, la Genevoise intrigue par son travail osé et engagé. Elle prépare actuellement la nouvelle version de sa fameuse Bulle Rose avec Vanessa Ferreira Vicente et l’équipe du Fesses-tival, dans le cadre de Spielact. Rencontre dans son havre créatif.

© Juliette Gaultier

Attablée dans son atelier lumineux avec vue sur le lac, Marie van Berchem coud un épais fil jaune. Un de ses projets en cours est la création de coussins brodés aux formes et couleurs inventives. L’atelier de Marie (qu’elle partage avec l’artiste Vanessa Ferreira Vicente) est à l’image de ses pratiques. On y trouve de la peinture, des bandes de tissu, des livres et des centaines d’autres ustensiles utilisés dans son quotidien d’artiste plurielle. « J’ai toujours aimé expérimenter et me lancer des défis. Depuis que je suis petite, j’aime aussi créer et fabriquer des pièces avec mes dix doigts », précise, espiègle, la jeune femme de 29 ans. Enfant, Marie rêvait d’être peintre, inventrice ou femme de ménage. « 25 ans plus tard, je suis devenue les trois », ironise l’artiste.

Marie commence un Bachelor en graphisme et illustration à Saint-Martin, à Londres. Elle y apprend la narration et l’approche expérimentale et collaborative qui définissent aujourd’hui son style. Après l’aventure londonienne, Marie rentre à Genève où elle travaille entre le BFM, le Théâtre du Grütli et dans une galerie d’art au centre-ville. Elle débute ensuite un master en Arts visuels CCC, qui a la particularité d’être transdisciplinaire et de mettre l’accent sur la recherche. Elle y développe la critique, la politisation des œuvres mais aussi le discours autour de projets créatifs. « Après mon Bachelor, j’avais l’impression qu’il me manquait un peu de recul critique sur ma pratique en tant qu’artiste », commente Marie.

En parallèle de ses études, Marie expérimente, crée, innove et fourmille d’idées avec toujours en tête l’échange avec le public. Se questionner sur le rapport à l’autre, le sentiment d’autrui face à son œuvre sont des interrogations centrales dans la pratique de la genevoise. « Il y a toujours une dimension sensorielle dans mon travail. On peut écouter, sentir, toucher et interagir avec mes projets. C’est important pour moi que les visiteur.euse.s se sentent inclus le plus possible. »

Repenser le colonialisme

Le premier projet de taille de Marie van Berchem est la Bateauthèque, une bibliothèque décoloniale, nomade et participative. Après des recherches sur ses racines et sa famille, Marie s’est questionnée sur l’histoire de la Suisse pendant la colonisation et sa neutralité. « On est toutes et tous porteur.euse.s de notre histoire sociale ou familiale, même si on en a pas conscience », précise-t-elle. La première Batheauthèque a pris place aux Bains des Pâquis en 2017, lors du calendrier de l’avant en collaboration avec la designer Julia Veuillet. Affichée dans un espace aménagé en cale de bateau, on y trouvait de nombreux ouvrages sélectionnés par l’artiste, en lien avec la colonisation. Forte de l’engouement de cette première exposition, Marie décide de développer ce projet lors d’une invitation au Silure (un espace association à la Jonction ndlr). En plus des livres mis à disposition, Marie décide d’allier performance et lecture, toujours dans cette dynamique d’interaction avec le public.

Déjeuner-lecture à la Bateauthèque, 1000 Écologies (un programme de Utopiana), Le Commun 2019 © Ocean Antonian

Depuis ses premières formes, la Bateauthèque a voyagé à travers la Suisse notamment à la Kunsthalle de Zürich. En ce moment, elle est en résidence à Utopiana et depuis le 23 septembre, elle expose également au Palais de Rumine de Lausanne dans le cadre de l’exposition Exotic ?. La performeuse propose des déjeuners-lectures où elle « recrée des narrations à partir d’extraits de textes » lors de repas. « C’est important de rendre accessible ces thématiques assez lourdes en y amenant un côté plus chaleureux qu’une simple conférence. » Une publication autour du projet est aussi prévue chez MetisPresses, en 2021.

Une pratique autobiographique

La Bateauthèque est totalement représentative du travail de Marie van Berchem : des projets liés à son vécu, ses questionnements avec une dimension autobiographique. « L’art est un moyen d’expression pour moi. J’ai toujours été engagée voire même révoltée, donc c’est assez naturel d’inclure ces questionnements dans ma pratique d’artiste. » L’art est aussi pour Marie un exutoire, une manière d’extérioriser des problématiques personnelles et finalement tellement universelles.

C’est notamment le cas avec son projet La Serveuse. Débuté lors d’une exposition à l’espace d’art TOPIC (dont elle a aussi été l’une des curatrices), l’envie de Marie est de parler du sexisme et de sa place en tant que femme-artiste derrière un comptoir. « Je travaille au bar d’un théâtre depuis quelques années en tant que serveuse. Un jour, je regardais les gens et j’ai réalisé que c’était comme une scène qu’il fallait retranscrire. » Marie travaille à adapter ce projet en pièce de théâtre, sous le nom « A quoi rêve la serveuse ? ». Une grande première dans le monde du théâtre pour la Genevoise.

L’emblème du 14 juin

Marie est aussi, avec Vanessa Ferreira Vicente, l’instigatrice de Vulvita, une vulve géante en velours et sequins. Après de nombreuses discussions, le binôme se lance et développe le projet La bulle rose, un espace safe autour des questions de sexualités, mis sur pied pour la première fois lors du DAF, en 2019. « On avait préparé des barbes à papa, on était déguisées en rose avec des paillettes… Les gens entraient par Vulvita et accouchaient après une discussion sur la notion de consentement. On a eu des super retours et une énergie vraiment saine pour toutes et tous. »

La deuxième bulle rose était lors du 14 juin 2019, avec des ateliers, des maquillages et un photomaton animé par Alice Izzo et Fifille au sein du Grütli. Lors de la marche, Vulvita défilait, comme un symbole, un drapeau, un emblème, de cette journée gravée pour toutes. Le projet continue de se développer et de s’étendre : une Vulvita de près de cinq mètres a été hissée à l’espace MÂT, à Neuchâtel.

La bulle rose, avec Vanessa Ferreira Vicente, au Fesses-tival 2019

Dès le 30 septembre, l’installation participative Ode au plaisir ouvrira ses portes dans le cadre du festival Spielact. « Avec Vanessa et l’équipe du Fesses-tival on se connaît toutes très bien, mais on n’avait encore jamais bossé toutes ensemble. On se réjouit vraiment de pouvoir proposer un projet commun ». Il s’agirait d’une nouvelle Bulle Rose, repensée pour l’occasion. Marie vient aussi de terminer une fresque dans sa maison d’enfance à Grange Canal appelée L’arbre qui cache la forêt.

© Marie van Berchem

Par Julie Marti, publié le 28 septembre 2020
Voir l’article source sur EPIC

Marie van Berchem fait partie de ces artistes touche-à-tout, aux projets inédits à Genève. Entre son travail d’artiste, de curatrice, d’illustratrice, de performeuse et ses multiples projets, la Genevoise intrigue par son travail osé et engagé. Elle prépare actuellement la nouvelle version de sa fameuse Bulle Rose avec Vanessa Ferreira Vicente et l’équipe du Fesses-tival, dans le cadre de Spielact. Rencontre dans son havre créatif.

© Juliette Gaultier

Attablée dans son atelier lumineux avec vue sur le lac, Marie van Berchem coud un épais fil jaune. Un de ses projets en cours est la création de coussins brodés aux formes et couleurs inventives. L’atelier de Marie (qu’elle partage avec l’artiste Vanessa Ferreira Vicente) est à l’image de ses pratiques. On y trouve de la peinture, des bandes de tissu, des livres et des centaines d’autres ustensiles utilisés dans son quotidien d’artiste plurielle. « J’ai toujours aimé expérimenter et me lancer des défis. Depuis que je suis petite, j’aime aussi créer et fabriquer des pièces avec mes dix doigts », précise, espiègle, la jeune femme de 29 ans. Enfant, Marie rêvait d’être peintre, inventrice ou femme de ménage. « 25 ans plus tard, je suis devenue les trois », ironise l’artiste.

Marie commence un Bachelor en graphisme et illustration à Saint-Martin, à Londres. Elle y apprend la narration et l’approche expérimentale et collaborative qui définissent aujourd’hui son style. Après l’aventure londonienne, Marie rentre à Genève où elle travaille entre le BFM, le Théâtre du Grütli et dans une galerie d’art au centre-ville. Elle débute ensuite un master en Arts visuels CCC, qui a la particularité d’être transdisciplinaire et de mettre l’accent sur la recherche. Elle y développe la critique, la politisation des œuvres mais aussi le discours autour de projets créatifs. « Après mon Bachelor, j’avais l’impression qu’il me manquait un peu de recul critique sur ma pratique en tant qu’artiste », commente Marie.

En parallèle de ses études, Marie expérimente, crée, innove et fourmille d’idées avec toujours en tête l’échange avec le public. Se questionner sur le rapport à l’autre, le sentiment d’autrui face à son œuvre sont des interrogations centrales dans la pratique de la genevoise. « Il y a toujours une dimension sensorielle dans mon travail. On peut écouter, sentir, toucher et interagir avec mes projets. C’est important pour moi que les visiteur.euse.s se sentent inclus le plus possible. »

Repenser le colonialisme

Le premier projet de taille de Marie van Berchem est la Bateauthèque, une bibliothèque décoloniale, nomade et participative. Après des recherches sur ses racines et sa famille, Marie s’est questionnée sur l’histoire de la Suisse pendant la colonisation et sa neutralité. « On est toutes et tous porteur.euse.s de notre histoire sociale ou familiale, même si on en a pas conscience », précise-t-elle. La première Batheauthèque a pris place aux Bains des Pâquis en 2017, lors du calendrier de l’avant en collaboration avec la designer Julia Veuillet. Affichée dans un espace aménagé en cale de bateau, on y trouvait de nombreux ouvrages sélectionnés par l’artiste, en lien avec la colonisation. Forte de l’engouement de cette première exposition, Marie décide de développer ce projet lors d’une invitation au Silure (un espace association à la Jonction ndlr). En plus des livres mis à disposition, Marie décide d’allier performance et lecture, toujours dans cette dynamique d’interaction avec le public.

Déjeuner-lecture à la Bateauthèque, 1000 Écologies (un programme de Utopiana), Le Commun 2019 © Ocean Antonian

Depuis ses premières formes, la Bateauthèque a voyagé à travers la Suisse notamment à la Kunsthalle de Zürich. En ce moment, elle est en résidence à Utopiana et depuis le 23 septembre, elle expose également au Palais de Rumine de Lausanne dans le cadre de l’exposition Exotic ?. La performeuse propose des déjeuners-lectures où elle « recrée des narrations à partir d’extraits de textes » lors de repas. « C’est important de rendre accessible ces thématiques assez lourdes en y amenant un côté plus chaleureux qu’une simple conférence. » Une publication autour du projet est aussi prévue chez MetisPresses, en 2021.

Une pratique autobiographique

La Bateauthèque est totalement représentative du travail de Marie van Berchem : des projets liés à son vécu, ses questionnements avec une dimension autobiographique. « L’art est un moyen d’expression pour moi. J’ai toujours été engagée voire même révoltée, donc c’est assez naturel d’inclure ces questionnements dans ma pratique d’artiste. » L’art est aussi pour Marie un exutoire, une manière d’extérioriser des problématiques personnelles et finalement tellement universelles.

C’est notamment le cas avec son projet La Serveuse. Débuté lors d’une exposition à l’espace d’art TOPIC (dont elle a aussi été l’une des curatrices), l’envie de Marie est de parler du sexisme et de sa place en tant que femme-artiste derrière un comptoir. « Je travaille au bar d’un théâtre depuis quelques années en tant que serveuse. Un jour, je regardais les gens et j’ai réalisé que c’était comme une scène qu’il fallait retranscrire. » Marie travaille à adapter ce projet en pièce de théâtre, sous le nom « A quoi rêve la serveuse ? ». Une grande première dans le monde du théâtre pour la Genevoise.

L’emblème du 14 juin

Marie est aussi, avec Vanessa Ferreira Vicente, l’instigatrice de Vulvita, une vulve géante en velours et sequins. Après de nombreuses discussions, le binôme se lance et développe le projet La bulle rose, un espace safe autour des questions de sexualités, mis sur pied pour la première fois lors du DAF, en 2019. « On avait préparé des barbes à papa, on était déguisées en rose avec des paillettes… Les gens entraient par Vulvita et accouchaient après une discussion sur la notion de consentement. On a eu des super retours et une énergie vraiment saine pour toutes et tous. »

La deuxième bulle rose était lors du 14 juin 2019, avec des ateliers, des maquillages et un photomaton animé par Alice Izzo et Fifille au sein du Grütli. Lors de la marche, Vulvita défilait, comme un symbole, un drapeau, un emblème, de cette journée gravée pour toutes. Le projet continue de se développer et de s’étendre : une Vulvita de près de cinq mètres a été hissée à l’espace MÂT, à Neuchâtel.

La bulle rose, avec Vanessa Ferreira Vicente, au Fesses-tival 2019

Dès le 30 septembre, l’installation participative Ode au plaisir ouvrira ses portes dans le cadre du festival Spielact. « Avec Vanessa et l’équipe du Fesses-tival on se connaît toutes très bien, mais on n’avait encore jamais bossé toutes ensemble. On se réjouit vraiment de pouvoir proposer un projet commun ». Il s’agirait d’une nouvelle Bulle Rose, repensée pour l’occasion. Marie vient aussi de terminer une fresque dans sa maison d’enfance à Grange Canal appelée L’arbre qui cache la forêt.

© Marie van Berchem

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