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Votations cantonales : salaire minimum à Genève : quels effets sur les salaires et l’emploi ?

Publié par
TOPO Genève

Par Antoine Völki, publié 18 septembre 2020
Voir l’article source sur TOPO

Le 27 septembre, la population genevoise se prononcera sur l’instauration d’un salaire minimum obligatoire de 23 CHF de l’heure. L’application de ce type de loi est matière à discussion et débat. Il est pourtant difficile de trouver des informations de qualité. Souvent, les a priori partisans dominent le champ politique et médiatique et laissent peu de place aux faits scientifiques. Par conséquent, je vais présenter les études que je juge les plus pertinentes et qui concernent certaines des conséquences principales du salaire minimum, c’est-à-dire celles sur l’emploi et les salaires. Je laisse ainsi de côté d’autres effets potentiels du salaire minimum comme ceux sur la croissance économique, le taux de productivité, la réduction du taux de pauvreté, etc. Cet article a ainsi pour but d’aider à comprendre ce que propose l’initiative « 23 frs, c’est un minimum ! » (IN 173) et quels pourraient être ses effets sur les salaires et l’emploi à Genève.

Le texte de l’initiative

L’initiative « 23 frs, c’est un minimum ! » (IN 173), lancée par la Communauté genevoise d’action syndicale, vise à instaurer un salaire minimum dans le canton de Genève. Si on s’en tient à une définition simple, un salaire minimal est un salaire en dessous duquel il est interdit de payer un employé. Il s’agit alors de la rémunération la plus basse autorisée sur le marché du travail.

Le texte de l’initiative indique que cette mesure s’appliquerait à toutes les personnes travaillant sur le canton de Genève, à l’exception des mineur.e.s, des personnes en formation professionnelle ou en stage ainsi que travaillant dans le secteur de l’agriculture.. [1]

Le niveau du salaire minimum imposé à 23 CHF par heure de travail (4086 CHF pour 41 heures de travail hebdomadaire avec un treizième salaire) a été choisi afin de pourvoir aux besoins de base des travailleur.se.s habitant le canton de Genève. Ce montant a été déterminé par les initiant.e.s du texte de loi en rapport avec le coût de la vie à Genève.

Pour soutenir leur proposition, les défenseur.se.s de l’initiative avancent plusieurs chiffres par rapport à la pauvreté et la protection des salarié.e.s à Genève.

  • Près de 9.5 % des salarié.e.s se trouvent en dessous du niveau proposé à votation,
  • 18 % des bénéficiaires de l’Hospice général travaillent,
  • 48 % des travailleur.se.s ne sont pas protégés par une convention collective. [2]

De ce fait, on imagine bien que l’objectif principal de cette initiative est de réduire la pauvreté dans le canton.

Niveau du salaire minimum

Afin de pouvoir comparer des applications du salaire minimum dans différentes régions, il est d’usage de comparer le ratio entre le niveau du salaire minimum et celui du salaire médian. Pour Genève, il est de 56 % (chiffres de 2016). [3] A titre comparatif, à Neuchâtel il est de 58 % (chiffres de 2016). [4] Dans d’autres pays, le salaire minimum en proportion du salaire médian est :

  • Etats-Unis : 33%, il existe des changements substantiels entre les Etats,
  • Royaume-Uni : 54 %,
  • France : 62 %. [5]

En résumé, le salaire minimum proposé à Genève est donc placé approximativement au même niveau que d’autres cantons et pays.

Effets sur les salaires

Il semble assez trivial que la mise en place d’un salaire minimum augmente les revenus des individus qui gagnaient préalablement moins que le plancher légal. Cependant, les effets de ce type de loi sur les salaires d’autres personnes sont moins évidents.

On entend même parfois que la mise en place d’un salaire minimum a tendance à tirer les salaires vers le bas. Cette idée est-elle vraie ? Il est généralement observé que la mise en place ou le relèvement du niveau du salaire minimum ne profite pas uniquement aux individus qui se trouvent initialement en dessous du nouveau seuil légal, mais bénéficie aussi à ceux et celles qui ont un salaire supérieur au nouveau seuil légal.

A titre d’exemple, imaginons que Max a un salaire de 22 CHF de l’heure et Marguerite de 24 CHF. À la suite d’une votation cantonale, un salaire minimum est instauré à hauteur de 23 CHF de l’heure. Max voit donc son salaire augmenter à 23 CHF, car son patron José ne peut pas le payer moins. Quant à Marguerite, son salaire est lui aussi augmenté. Ce dernier effet ne s’explique pas par une contrainte légale mais bien car José et Marguerite désirent maintenir une différence d’expérience et d’ancienneté avec Max.

On nomme cet effet, « effet d’entrainement ». Ce dernier s’explique par la volonté consentie des deux parties (employés et employeurs) à marquer une différence hiérarchique, d’ancienneté ou de qualifications par les salaires. [6] Aux Etats-Unis, il est généralement observé que l’augmentation du salaire minimum profite directement à 5% des salarié.e.s (ici Max). L’augmentation indirecte des salaires via l’effet d’entrainement peut toucher parfois jusqu’à près de 25% des salarié.e.s (ici Marguerite). [7]

Effets sur l’emploi

Les effets du salaire minimum sur l’emploi sont plus complexes que les effets sur les salaires. En général et d’un point de vue agrégé, le salaire minimum a un effet insignifiant sur l’emploi. De manière plus spécifique, dans le cas de l’emploi des adolescent.e.s, les résultats sont le plus souvent négatifs.

Dans l’ensemble, les effets négatifs et positifs du salaire minimum se compensent et ont donc un effet insignifiant sur l’emploi. C’est la conclusion d’une méta-analyse de Stanley et Doucouliagos (2009). [8] Les chercheurs ont récolté les données de 64 études menées aux Etats-Unis sur le salaire minimum, les ont notées en fonction de leur degré de précision (plus l’écart entre les données d’un extrême à l’autre sont grandes, moins précise est l’estimation), puis les ont analysés à l’aide d’outils statistiques. Pour illustrer ces propos, voici une figure (Figure 1) qui présente les données de leur méta-analyse avec en abscisse le degré de précision des différentes estimations et en ordonnée l’élasticité de l’augmentation du salaire minimum sur l’emploi.

Aussi, pour la bonne lecture de ce graphique et à titre d’exemple, une élasticité de l’emploi de -0.25 en relation avec le salaire minimum signifie qu’une augmentation du salaire minimum de 10 % baissera l’emploi de la population d’intérêt de 2.5 %. Ainsi, dans une situation fictive où le salaire minimum serait établi à 1’000 CHF par mois et où le taux d’emploi se situerait à 70% (ratio des personnes employées et des personnes de 15 à 64 ans), une augmentation du salaire minimum à 1’100 CHF aurait pour conséquence de faire baisser le taux d’emploi à 68.25%.

Sur ce graphique, on peut noter deux points d’intérêt.Premièrement, les estimations les plus précises qui concernent l’impact du salaire minimum sur l’emploi illustrent un résultat en moyenne proche de zéro. Deuxièmement, une bonne partie des estimations sont concentrées entre une élasticité de -0.25 et 0. Cela montre ainsi un léger effet négatif de l’augmentation du salaire minimum sur l’emploi. Des résultats similaires sont observés dans deux autres méta-analyses menées au Royaume-Uni. [9]

Mais qu’entend-on par élasticité ?

L’élasticité est un outil statistique qui mesure la variation d’une valeur en comparaison de la variation d’une autre valeur. Dans notre exemple d’avant, si le salaire minimum augmente de 10%, l’emploi baissera de 2.5%. Cela implique donc une élasticité de -0,25. On obtient cette valeur en réalisant le quotient de l’évolution du taux d’emploi en rapport à l’évolution du salaire minimum, (-0.025 / 0.1 = -0.25).

Neumark cite alors une de ses études qui cherche à passer en revue la littérature économique et à en tirer les travaux les plus rigoureux. Lui et son collègue n’utilisent pas d’analyses statistiques, comme le font les méta-analyses, mais effectuent ce que l’on nomme une revue de littérature. [10]

Neumark et Wascher concluent qu’une bonne partie des études passées en revue et qu’ils jugent les plus rigoureuses (28 sur 33) soulignent des effets négatifs du salaire minimum sur l’emploi sans être pourtant statistiquement significatifs, ce qui confirmerait des résultats robustes. [11]

Comment peut-on concilier alors les travaux des méta-analyses avec ceux de Neumark et Wascher et se former une opinion nuancée sur les résultats provenant de la recherche ?

Il est nécessaire de replacer les résultats de ces travaux dans leur contexte. Pour les méta-analyses effectuées au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, elles ne prennent pas en compte les différents modes d’implémentation du salaire minimum (addition d’autres types de lois de soutien, niveau du salaire minimum) et ne considèrent pas comme différents les groupes sociaux d’intérêts (16-19 ans, 20-24 ans, restauration, vente, femmes seules, etc.). Autrement dit, si on considère ces deux derniers points comme étant dus au hasard, il apparaît en moyenne générale que le salaire minimum a un impact insignifiant sur l’emploi.

Quant aux résultats de Neumark et Wascher, ils nous indiquent que parmi les études qu’ils ont jugées les plus sérieuses, la majorité d’entre elles ont rapporté un effet négatif du salaire minimum sur l’emploi. Cependant, toutes n’étaient pas statistiquement significatives.

En conclusion, si l’on considère une situation générale où tous facteurs spécifiques comme le genre ou l’âge est déterminé au hasard, le salaire minimum n’a pas d’effet sur l’emploi.

Cependant, pour des situations particulières comme l’emploi de jeunes de 16 à 19 ans [12], les emplois à temps partiels [13] ou les emplois de soins à domicile [14] un effet négatif du salaire minimum sur l’emploi peut être observé.

Effets potentiels du salaire minimum à Genève

Comme il a été argumenté précédemment, le salaire minimum est un outil légal ayant de multiples effets. Concernant la question des salaires, il est fort à parier qu’une telle loi pourrait avoir un effet bénéfique sur les salaires des individus les moins bien payés de notre canton.

Quant à l’emploi, il est intéressant de noter que le texte proposé à votation exclut les travailleur.se.s mineur.e.s du champ d’application du salaire minimum. Aussi, lorsque des effets négatifs du salaire minimum sur l’emploi sont constatés dans la réalité, ils concernent entre autres les jeunes de 16 à 19 ans. Le salaire minimum n’a en outre aucun effet majeur sur l’emploi lorsque celui-ci est observé de manière générale. De ce fait, il est fort à parier que cette loi n’affecterait pas outre mesure l’emploi si celle-ci venait à être appliquée.

Finalement, du fait des données établies auparavant, le texte de l’initiative proposé à votation a toutes ses chances d’augmenter les salaires des individus les moins bien payés du canton sans affecter outre mesure le niveau général de l’emploi.

Pour une plus grande efficacité de cette mesure et si cette initiative venait à passer le cap des urnes, il serait intéressant que le gouvernement genevois consacre des ressources à l’étude des effets de cette mesure. Tout ceci, afin de pouvoir faire avancer la recherche et ajuster en fonction à la hausse ou à la baisse le nouveau salaire minimum pour maximiser ses bénéfices et minimiser ses aspects négatifs.

Par Antoine Völki, publié 18 septembre 2020
Voir l’article source sur TOPO

Le 27 septembre, la population genevoise se prononcera sur l’instauration d’un salaire minimum obligatoire de 23 CHF de l’heure. L’application de ce type de loi est matière à discussion et débat. Il est pourtant difficile de trouver des informations de qualité. Souvent, les a priori partisans dominent le champ politique et médiatique et laissent peu de place aux faits scientifiques. Par conséquent, je vais présenter les études que je juge les plus pertinentes et qui concernent certaines des conséquences principales du salaire minimum, c’est-à-dire celles sur l’emploi et les salaires. Je laisse ainsi de côté d’autres effets potentiels du salaire minimum comme ceux sur la croissance économique, le taux de productivité, la réduction du taux de pauvreté, etc. Cet article a ainsi pour but d’aider à comprendre ce que propose l’initiative « 23 frs, c’est un minimum ! » (IN 173) et quels pourraient être ses effets sur les salaires et l’emploi à Genève.

Le texte de l’initiative

L’initiative « 23 frs, c’est un minimum ! » (IN 173), lancée par la Communauté genevoise d’action syndicale, vise à instaurer un salaire minimum dans le canton de Genève. Si on s’en tient à une définition simple, un salaire minimal est un salaire en dessous duquel il est interdit de payer un employé. Il s’agit alors de la rémunération la plus basse autorisée sur le marché du travail.

Le texte de l’initiative indique que cette mesure s’appliquerait à toutes les personnes travaillant sur le canton de Genève, à l’exception des mineur.e.s, des personnes en formation professionnelle ou en stage ainsi que travaillant dans le secteur de l’agriculture.. [1]

Le niveau du salaire minimum imposé à 23 CHF par heure de travail (4086 CHF pour 41 heures de travail hebdomadaire avec un treizième salaire) a été choisi afin de pourvoir aux besoins de base des travailleur.se.s habitant le canton de Genève. Ce montant a été déterminé par les initiant.e.s du texte de loi en rapport avec le coût de la vie à Genève.

Pour soutenir leur proposition, les défenseur.se.s de l’initiative avancent plusieurs chiffres par rapport à la pauvreté et la protection des salarié.e.s à Genève.

  • Près de 9.5 % des salarié.e.s se trouvent en dessous du niveau proposé à votation,
  • 18 % des bénéficiaires de l’Hospice général travaillent,
  • 48 % des travailleur.se.s ne sont pas protégés par une convention collective. [2]

De ce fait, on imagine bien que l’objectif principal de cette initiative est de réduire la pauvreté dans le canton.

Niveau du salaire minimum

Afin de pouvoir comparer des applications du salaire minimum dans différentes régions, il est d’usage de comparer le ratio entre le niveau du salaire minimum et celui du salaire médian. Pour Genève, il est de 56 % (chiffres de 2016). [3] A titre comparatif, à Neuchâtel il est de 58 % (chiffres de 2016). [4] Dans d’autres pays, le salaire minimum en proportion du salaire médian est :

  • Etats-Unis : 33%, il existe des changements substantiels entre les Etats,
  • Royaume-Uni : 54 %,
  • France : 62 %. [5]

En résumé, le salaire minimum proposé à Genève est donc placé approximativement au même niveau que d’autres cantons et pays.

Effets sur les salaires

Il semble assez trivial que la mise en place d’un salaire minimum augmente les revenus des individus qui gagnaient préalablement moins que le plancher légal. Cependant, les effets de ce type de loi sur les salaires d’autres personnes sont moins évidents.

On entend même parfois que la mise en place d’un salaire minimum a tendance à tirer les salaires vers le bas. Cette idée est-elle vraie ? Il est généralement observé que la mise en place ou le relèvement du niveau du salaire minimum ne profite pas uniquement aux individus qui se trouvent initialement en dessous du nouveau seuil légal, mais bénéficie aussi à ceux et celles qui ont un salaire supérieur au nouveau seuil légal.

A titre d’exemple, imaginons que Max a un salaire de 22 CHF de l’heure et Marguerite de 24 CHF. À la suite d’une votation cantonale, un salaire minimum est instauré à hauteur de 23 CHF de l’heure. Max voit donc son salaire augmenter à 23 CHF, car son patron José ne peut pas le payer moins. Quant à Marguerite, son salaire est lui aussi augmenté. Ce dernier effet ne s’explique pas par une contrainte légale mais bien car José et Marguerite désirent maintenir une différence d’expérience et d’ancienneté avec Max.

On nomme cet effet, « effet d’entrainement ». Ce dernier s’explique par la volonté consentie des deux parties (employés et employeurs) à marquer une différence hiérarchique, d’ancienneté ou de qualifications par les salaires. [6] Aux Etats-Unis, il est généralement observé que l’augmentation du salaire minimum profite directement à 5% des salarié.e.s (ici Max). L’augmentation indirecte des salaires via l’effet d’entrainement peut toucher parfois jusqu’à près de 25% des salarié.e.s (ici Marguerite). [7]

Effets sur l’emploi

Les effets du salaire minimum sur l’emploi sont plus complexes que les effets sur les salaires. En général et d’un point de vue agrégé, le salaire minimum a un effet insignifiant sur l’emploi. De manière plus spécifique, dans le cas de l’emploi des adolescent.e.s, les résultats sont le plus souvent négatifs.

Dans l’ensemble, les effets négatifs et positifs du salaire minimum se compensent et ont donc un effet insignifiant sur l’emploi. C’est la conclusion d’une méta-analyse de Stanley et Doucouliagos (2009). [8] Les chercheurs ont récolté les données de 64 études menées aux Etats-Unis sur le salaire minimum, les ont notées en fonction de leur degré de précision (plus l’écart entre les données d’un extrême à l’autre sont grandes, moins précise est l’estimation), puis les ont analysés à l’aide d’outils statistiques. Pour illustrer ces propos, voici une figure (Figure 1) qui présente les données de leur méta-analyse avec en abscisse le degré de précision des différentes estimations et en ordonnée l’élasticité de l’augmentation du salaire minimum sur l’emploi.

Aussi, pour la bonne lecture de ce graphique et à titre d’exemple, une élasticité de l’emploi de -0.25 en relation avec le salaire minimum signifie qu’une augmentation du salaire minimum de 10 % baissera l’emploi de la population d’intérêt de 2.5 %. Ainsi, dans une situation fictive où le salaire minimum serait établi à 1’000 CHF par mois et où le taux d’emploi se situerait à 70% (ratio des personnes employées et des personnes de 15 à 64 ans), une augmentation du salaire minimum à 1’100 CHF aurait pour conséquence de faire baisser le taux d’emploi à 68.25%.

Sur ce graphique, on peut noter deux points d’intérêt.Premièrement, les estimations les plus précises qui concernent l’impact du salaire minimum sur l’emploi illustrent un résultat en moyenne proche de zéro. Deuxièmement, une bonne partie des estimations sont concentrées entre une élasticité de -0.25 et 0. Cela montre ainsi un léger effet négatif de l’augmentation du salaire minimum sur l’emploi. Des résultats similaires sont observés dans deux autres méta-analyses menées au Royaume-Uni. [9]

Mais qu’entend-on par élasticité ?

L’élasticité est un outil statistique qui mesure la variation d’une valeur en comparaison de la variation d’une autre valeur. Dans notre exemple d’avant, si le salaire minimum augmente de 10%, l’emploi baissera de 2.5%. Cela implique donc une élasticité de -0,25. On obtient cette valeur en réalisant le quotient de l’évolution du taux d’emploi en rapport à l’évolution du salaire minimum, (-0.025 / 0.1 = -0.25).

Neumark cite alors une de ses études qui cherche à passer en revue la littérature économique et à en tirer les travaux les plus rigoureux. Lui et son collègue n’utilisent pas d’analyses statistiques, comme le font les méta-analyses, mais effectuent ce que l’on nomme une revue de littérature. [10]

Neumark et Wascher concluent qu’une bonne partie des études passées en revue et qu’ils jugent les plus rigoureuses (28 sur 33) soulignent des effets négatifs du salaire minimum sur l’emploi sans être pourtant statistiquement significatifs, ce qui confirmerait des résultats robustes. [11]

Comment peut-on concilier alors les travaux des méta-analyses avec ceux de Neumark et Wascher et se former une opinion nuancée sur les résultats provenant de la recherche ?

Il est nécessaire de replacer les résultats de ces travaux dans leur contexte. Pour les méta-analyses effectuées au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, elles ne prennent pas en compte les différents modes d’implémentation du salaire minimum (addition d’autres types de lois de soutien, niveau du salaire minimum) et ne considèrent pas comme différents les groupes sociaux d’intérêts (16-19 ans, 20-24 ans, restauration, vente, femmes seules, etc.). Autrement dit, si on considère ces deux derniers points comme étant dus au hasard, il apparaît en moyenne générale que le salaire minimum a un impact insignifiant sur l’emploi.

Quant aux résultats de Neumark et Wascher, ils nous indiquent que parmi les études qu’ils ont jugées les plus sérieuses, la majorité d’entre elles ont rapporté un effet négatif du salaire minimum sur l’emploi. Cependant, toutes n’étaient pas statistiquement significatives.

En conclusion, si l’on considère une situation générale où tous facteurs spécifiques comme le genre ou l’âge est déterminé au hasard, le salaire minimum n’a pas d’effet sur l’emploi.

Cependant, pour des situations particulières comme l’emploi de jeunes de 16 à 19 ans [12], les emplois à temps partiels [13] ou les emplois de soins à domicile [14] un effet négatif du salaire minimum sur l’emploi peut être observé.

Effets potentiels du salaire minimum à Genève

Comme il a été argumenté précédemment, le salaire minimum est un outil légal ayant de multiples effets. Concernant la question des salaires, il est fort à parier qu’une telle loi pourrait avoir un effet bénéfique sur les salaires des individus les moins bien payés de notre canton.

Quant à l’emploi, il est intéressant de noter que le texte proposé à votation exclut les travailleur.se.s mineur.e.s du champ d’application du salaire minimum. Aussi, lorsque des effets négatifs du salaire minimum sur l’emploi sont constatés dans la réalité, ils concernent entre autres les jeunes de 16 à 19 ans. Le salaire minimum n’a en outre aucun effet majeur sur l’emploi lorsque celui-ci est observé de manière générale. De ce fait, il est fort à parier que cette loi n’affecterait pas outre mesure l’emploi si celle-ci venait à être appliquée.

Finalement, du fait des données établies auparavant, le texte de l’initiative proposé à votation a toutes ses chances d’augmenter les salaires des individus les moins bien payés du canton sans affecter outre mesure le niveau général de l’emploi.

Pour une plus grande efficacité de cette mesure et si cette initiative venait à passer le cap des urnes, il serait intéressant que le gouvernement genevois consacre des ressources à l’étude des effets de cette mesure. Tout ceci, afin de pouvoir faire avancer la recherche et ajuster en fonction à la hausse ou à la baisse le nouveau salaire minimum pour maximiser ses bénéfices et minimiser ses aspects négatifs.


[1Site du canton de Genève, « IN 173 – Initiative populaire cantonale « 23 frs, c’est un minimum » », sur ge.ch, https://ge.ch/grandconseil/data/texte/IN00173.pdf (consulté le 3 mars 2020)

[2Site des initiant..e.s de l’iniative « 23 frs, c’est un minimum ! », « Argumentaire », sur https://salaireminimum.ch/argumentaire/ (consulté le 3 mars 2020)

[34086 / 7278 = 0.56
Site du canton de Genève, mars 2019, « 03-Vie active, emploi et rémunération du travail, informations statistiques », sur ge.ch, https://www.ge.ch/statistique/tel/publications/2019/informations_statistiques/autres_themes/is_salaires_08_2019 .pdf (consulté le 7 mars 2020)

[4(4.334120.02) / 6137 = 0.58
Site du canton de Neuchâtel, 2016, « Salaires », sur ne.ch, https://www.ne.ch/autorites/DEAS/STAT/emploichomage-salaire/Pages/Stat_Salaires.aspx (consulté le 7 mars 2020)

[5Organisation de coopération et de développement économiques, « Salaires minimum en proportion du salaire moyen des salariés à plein temps », donnée extraite le 24-02.2020, consulté sur https://stats.oecd.org/Index.aspx?DataSetCode=MIN2AVE&Lang=fr (consulté le 7 mars 2020)

[6ILO, 9 août 2016, « Minimum Wage Policy Guide », « Chapter 7 – Monitoring the effects of minimum wage », sur ILO.org, https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/--ed_protect/---protrav/---travail/documents/publication/wcms_508566.pdf

[7Belman D. ; Wolfson, P. 2014. « What does the minimum wage do ? », W.E. Upjohn Institute for Employment Research, Kalamazoo, Michigan, https://research.upjohn.org/up_press/227/

[8Hristos Doucouliagos, T. D. Stanley, 12 mai 2009, « Publication Selection Bias in Minimum-Wage research ? A Meta-Regression Analysis », British Journal of Industrial Relations, sur onlinelibrary.wiley.com, https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1467-8543.2009.00723.x

[9Marco Hafner, Jirka Taylo, and al. 2017, « The Impact of the NMW on employment : a meta-analysis », RAND Europe,‎ sur rand.org, https://www.rand.org/pubs/research_reports/RR1807.html

ET

Megan de Linde Leonard, T. D. Stanley et Hristos Doucouliagos, 1er septembre 2014, « Does the UK Minimum Wage Reduce Employment ? A Meta-Regression Analysis », British Journal of Industrial Relations, sur ideas.repec.org, https://ideas.repec.org/a/bla/brjirl/v52y2014i3p499-520.html

[10David Neumark, « Employment effects of minimum wages », World of IZA, décembre 2018. Traduit par Martin Anota. Consulté sur : http://annotations.blog.free.fr/index.php?post/2018/12/26/Salaire-minimum

[11NEUMARK, David, & William WASCHER (2007), « Minimum wages and employment », Foundations and Trends in Microeconomics, vol. 3, n° 1−2, https://www.nber.org/papers/w12663

[12NEUMARK, David, & William WASCHER (2007), « Minimum wages and employment », Foundations and Trends in Microeconomics, vol. 3, n° 1−2, https://www.nber.org/papers/w12663

[13Marco Hafner, Jirka Taylo, and al. 2017, « The Impact of the NMW on employment : a meta-analysis », RAND Europe,‎ sur rand.org, https://www.rand.org/pubs/research_reports/RR1807.html

[14Megan de Linde Leonard, T. D. Stanley et Hristos Doucouliagos, 1er septembre 2014, « Does the UK Minimum Wage Reduce Employment ? A Meta-Regression Analysis », British Journal of Industrial Relations, sur ideas.repec.org, https://ideas.repec.org/a/bla/brjirl/v52y2014i3p499-520.html

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